Leila Mottley

Leila Mottley
Arpenter la nuit
Traduit par Pauline Loquin
Éditions Albin Michel

Avez-vous lu ce livre admirable?

Un premier roman écrit à 17 ans et quel roman ! Leila Mottley n’a peur de rien en signant ce livre émouvant.

C’est un fait divers qui a déclenché le désir d’écrire chez la jeune autrice américaine. En 2015, à Oakland, un policier se suicide après avoir écrit une lettre désignant plusieurs services de police de la ville impliqués dans l’exploitation sexuelle d’une mineure. 

Dans « Arpenter la nuit », la mineure s’appelle Kiara. Son père est décédé, sa mère alterne séjours en prison ou centres de réhabilitation sociale et phases de dépression, et son frère Marcus refuse de travailler pour tenter sa chance, en vain, dans le rap. S’ajoute à cela la menace perpétuelle de l’expulsion de son logement. Pour survivre, la jeune héroïne qui a abandonné l’école jongle avec des petits boulots pour des patrons peu scrupuleux sur son âge. Ce sont les billets d’un homme jetés sur elle après un acte sexuel rapide qui vont faire basculer Kiara dans la prostitution. L’engrenage s’accélère. Kiara devient Kia pour l’ensemble des flics locaux qui abusent d’elle. La descente aux enfers est interminable jusqu’à ce qu’un de ses clients se suicide… L’enquête démarre et tout bascule, encore. Dans toute cette noirceur, Kiara possède un peu de lumière avec Trevor, le jeune garçon abandonné par sa mère, sa voisine. Dorénavant, elle va se battre pour lui.

Le style est direct, franc et cash. Le lecteur est dans l’empathie avec cette jeune fille brisée jusqu’à la dernière page. Leila Mottley nous embarque dans la solitude de Kiara sans jugement. Une solitude que partagent de nombreuses jeunes filles dans ces quartiers défavorisés. Leila Mottley rend justice aux victimes avec ce roman poignant et bouleversant. C’est un roman social d’une grande maîtrise. Un roman qui peint le monde sans pathos tel que les victimes le vivent. Un monde où, quand les hommes ne sont pas des bourreaux, ils se contentent de détourner le regard lâchement pendant qu’elles se sacrifient.

On ne peut qu’encourager Leila Mottley à continuer d’écrire. Écrire pour soi c’est bien mais écrire pour témoigner et peindre une réalité invisible c’est mieux. Cela ne fait pas de doute : Leila Mottley est une grande autrice.


Copyright Stéphane Lecomte

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