Anthony Passeron

Anthony Passeron
Les enfants endormis
Éditions du Globe


Ce premier roman est magistral ! 
Anthony Passeron rend un hommage vibrant à son oncle, Désiré, mort du SIDA il y a quarante ans. 
À travers le destin tragique de son oncle, Anthony Passeron traite des oubliés, de cette périphérie que l’on ne voit pas, que l’on ne veut pas voir. Dans ce livre, deux enquêtes s’entremêlent. La première se consacre à la propagation du SIDA dans les années 80 et le parcours des chercheurs français et américains pour contrer ce nouveau virus, cette « nouvelle peste » comme le titre Paris Match. La seconde se concentre sur Désiré, le jeune homme fêtard et joyeux mais sous l’emprise de la drogue, infecté par la maladie. L’auteur relate l’ascension de ses grands-parents, devenus bouchers dans ce village de l’arrière pays-niçois, ancienne sous-préfecture des Alpes-Maritime, des gens respectés et fiers de leur parcours. Il raconte aussi leurs deux garçons : Désiré,l’’aîné, celui à qui on prédit un bel avenir tant il est brillant et charmant, et le père d’Anthony, qui va reprendre l’affaire familiale. 

Il y a le sang de l’abattoir, le sang de la viande, celui qui fait vivre la famille Passeron. Et il y a le sang de Désiré, celui piqué par l’héroïne, infecté ensuite, tout comme celui de sa compagne et de leur future fille qui embrasseront le même destin. 

Il y a le déni de la communauté internationale alors que des personnes meurent. La communauté homosexuelle est ciblée, les nouveaux pestiférés agonisent dans des conditions horribles. Les scientifiques se battent pour trouver des remèdes. En vain. Il y a le déni d’une mère sur la maladie de son fils. Une mère qui va cacher le mal qui ronge son aîné. Une mère qui va se dépasser pour soigner et accompagner son fils alors que les infirmiers refusent de s’occuper de lui. La douleur est grande tout comme ce sentiment de solitude propre aux victimes et à leurs familles.


Anthony Passeron
Copyright Stéphane Lecomte

Il y a la propagation de la maladie. Elle ne fait de cadeaux à personne. Elle se matérialise dans les visages de Rock Hudson, de Michel Foucault, et dans les autres moins célèbres comme celui de Désiré, ces enfants endormis. Il y a le développement des expériences scientifiques pour trouver des traitements pendant que les malades continuent de mourir.

Sans pathos, Anthony Passeron met en lumière la vie de son oncle, sobrement. L’intime croise l’histoire pour relater la vie oubliée d’un homme. La restitution est forte, les scènes liées à la maladie sont glaçantes et le lecteur ne sort pas indemne de ce livre magistral. Avec une double chronologie remarquablement écrite et factuelle, l’auteur fait de Désiré le symbole de ces enfants endormis et le visage de ces malades anonymes.


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