Productivité, compétitivité, rentabilité. Débilité.
Dans les idées reçues, l’oisiveté est la mère de tous les vices. Mais être oisif n’est pas de tout repos ! Être oisif ce n’est pas rien faire, bien au contraire.

Mon père aimait beaucoup « Alexandre le bienheureux », ce film de 1968 réalisé par Yves Robert et incarné par le génial Philippe Noiret. Alexandre est un bon vivant mais il est victime des injonctions quotidienne de « La grande », sa femme. Une fois veuf, il décide de se reposer. Son attitude sème le trouble dans le village quand Alexandre affirme vouloir prendre le temps de prendre son temps. Mon père aimait beaucoup Philippe Noiret, et cette philosophie. Une idée de la sagesse peut-être, une idée déjà émise par Sénèque, Russel et Lafargue, Gontcharov…
Loin d’être un vice, l’oisiveté est une belle et heureuse vertu. On l’allie à la contemplation et l’on est au monde tout simplement. Sans quête anxiogène. Prendre le temps. On appuie sur pause. Il est temps d’arrêter cette course poursuite, cette fuite en avant. Actuellement, il est risible de constater que les dirigeants incarneraient la voix de la raison, sous prétexte qu’ils sont élus, sous prétexte qu’ils connaissent les chiffres sur leurs tableaux Excel. Risible et pathétique tant ils incarnent un monde à la dérive, un monde qui s’effondrent, un monde pollué, dévasté, où le futur est mort. Pour autant, ils continuent de donner la leçon, eux et les commentateurs décérébrés de l’actualité politique.
Mettre sur pause est un acte de résistance. C’est un acte de privilégié tel Oblomov qui ne se lève que très rarement de son lit. C’est un acte que tout le monde devrait avoir le choix et la possibilité de faire. C’est bien ça qui me rend dingue, c’est cette injustice permanente dans un pays qui se défend d’être le centre des droits de l’Homme. Pathétique. Il est injuste de voir des personnes dormir dehors, injuste que chacun ne mange pas à sa faim, injuste que chacun ne puisse pas se faire plaisir, injuste de voir des personnes travailler pour une misère.
Alors paressons. Paressons en toute chose, même par provocation. Paresser c’est voir et apprécier le temps sans quête extrême. Paresser c’est refuser d’être, comme nos pères, nos mères, de la chair à canon. Paresser c’est accepter que l’on ne puisse pas tout avoir, tout voir, tout manger, tout lire, comme des boulimiques morbides. Paresser c’est profiter. Ce n’est pas évident mais tentons ensemble de paresser. Au diable les injonctions de compétitivité, de rentabilité, de productivité. Au diable les quêtes du bonheur capitaliste que l’on retrouve dans les mauvaises librairies. Paressons, prenons le temps de prendre notre temps. Être oisif ce n’est pas rien faire, bien au contraire. Dorénavant, on a le temps de penser, de créer, de lire, de faire ce que l’on désire. D’être un peu plus libre en quelque sorte. Voilà ce que je souhaite pour tout le monde.

Paressons et nous apprendrons peut-être notre relative importance sur ce caillou qui flotte dans le vide. Paressons ensemble, car plus on est de fous, plus on rit. Et paressons seul, car la solitude est bénéfique aussi. Paressons, pensons, jouons. Ce serait presque un programme politique, utopique.
Est révolu le monde de surproduction. Est venu le monde de l’oisiveté.