Ida a 13 ans quand son tuteur l’accompagne chez ce couple de fermiers. Arthur et Greta vivent dans un petit village de montage, en Suisse. En échange du labeur, la petite est nourrit et peut dormir dans une modeste chambre. Dans ce village qu’Arthur ne fréquente pas trop, tout le monde se connait et les ragots circulent quant à la disparition d’un certain Emil qui a laissé femme et enfant, trois semaines auparavant. Les questions s’additionnent comme les rumeurs et les coups que la jeune fille reçoit de Greta, qui voit en elle le début des ennuis. Pourtant, la petite travaille bien, elle se fait aussi des copains, dont un qui rêve de quitter cet endroit. Un soir, alors qu’ils avaient fixé rendez-vous, les deux jeunes ne se verront pas…
« Dans la vie tout se mérite. (…) Tu viens d’arriver, tu dois prouver ce que tu vaux, compris ? »

Luca Brunoni dessine une intrigue en deux temps. D’abord centré sur le quotidien à la ferme de la jeune Ida, il peint merveilleusement bien les relations du couple dans ce décors froid et dur. Les tâches sont nombreuses pour elle, la narratrice, qui s’entête à bien faire. Naïveté et soumission l’empêchent de rêver d’un ailleurs. Ailleurs ce serait pareil. Les coups de Greta, elle s’y habitue jusqu’à ce que le fils du maire s’en inquiète. Ida est une jeune fille courageuse qui retient ses larmes quand son triste récent passé remonte à la surface, qui laisse la porte ouverte sous le regard libidineux d’Arthur.
La deuxième partie se consacre au village et à ses habitants. Avec un retournement de narration, l’auteur nous refait vivre les journées sous l’angle des villageois. Les réunions au bar, les histoires de chacun, le pasteur qui perd la tête. Les paroles, les secrets, les rumeurs, la morale, les relations amoureuses, le travail, les traditions, les promesses. Et enfin, les drames. Les mystères s’éclaircissent au fur et à mesure des pages pour offrir un dénouement que je ne dévoilerais pas ici.
L’ambiance d’un huis-clos villageois mène à la noirceur dans un texte maitrisé dont l’héroïne symbolise ces milliers d’enfants placés durant le XIX e siècle et 1960. Une jeune fille trimballée et qui sans choix se voit au cœur d’une histoire sombre. « Les silences » met en lumière une partie de l’histoire, comme un prétexte pour dérouler le mal qui ronge l’humain.
Luca Brunoni
Les silences
Traduit par Joseph Incardona
Finitudes